De la reconnaissance à l’arménité
N. Lygeros
La reconnaissance n’est pas une fin en soi. D’une part, elle appartient au processus de réparation et d’autre part, elle constitue seulement un élément de la notion d’arménité. Tandis que cette dernière représente l’essence même du peuple arménien. Aussi la reconnaissance doit être incorporée dans un ensemble d’actions convergentes pour parvenir à l’essentiel de la cause. Ces actions existent aussi bien dans l’état d’Arménie que dans la diaspora. Cependant elles ne sont gère mises en évidence de peur d’être comparées à la reconnaissance elle-même. Cette attitude loin de mettre en avant la reconnaissance, contribue en réalité à rendre l’ensemble du processus inefficace.
La multitude des actions à mettre en place est très grande. Car il ne faut pas effectuer des hiérarchies de valeur. Selon le public un moyen peut être plus ou moins efficace par rapport à un autre. Nous pensons qu’il faut avoir une vision arménienne de l’ensemble et tenter d’établir des critères de convergences. Chacun contribue à sa manière au-delà des clivages. Les traductions systématiques de documents d’archive, les études sur les cartes, l’apprentissage de la langue, l’édition de livres, de revues et même de bandes dessinées contribuent à faire connaître l’arménité et via celle-ci l’existence du problème génocidaire. La réalisation d’un film produit certes un très fort impact général mais elle n’affecte que très peu le travail de fond. Ce dernier n’est possible et n’est véritablement efficace contre l’appareil de propagande turc que s’il est mené de manière intensive. Il en est de même pour la réalisation d’un mémorial qui ne doit pas être seulement considéré comme l’aboutissement d’un travail, mais comme le point de départ et le fer de lance d’actions à mener autour de sa présence. De la même manière, nous devons mener des actions qui visent à faire découvrir l’Arménie et par ce mot nous n’entendons pas seulement l’état d’Arménie mais surtout les territoires occupés et les territoires libérés. Car ce sont ces derniers qui ont besoin de revoir des Arméniens. Quant aux Arméniens c’est aussi par ce biais qu’ils découvriront l’importance de leur rôle à jouer dans la cause. Parfois c’est en apercevant les vestiges d’une église ou l’isolement d’un pont de pierre que nous saisissons la nécessité de protéger un patrimoine culturel.
Grâce à l’expérience de nos interventions dans les territoires occupés de Chypre nous savions l’impact produit sur nos réfugiés lorsqu’ils découvrent un cimetière saccagé, une maison en ruine, une église détruite, une école close. Dans ces instants leur courage redouble et ils prennent conscience de la nécessité de lutter. Seulement il faut ensuite se donner les moyens, exploiter des cartes d’état major, connaître le cadastre pour étudier et faire des recours à la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour exercer des pressions sur l’UNESCO, l’ONU mais surtout contre les forces d’occupation turques. Un travail analogue doit être effectué dans le cadre de la reconnaissance de l’arménité. Car cette dernière ne dépend pas seulement du passé mais aussi du futur. Il est donc nécessaire d’impliquer les jeunes arméniens dans cette reconnaissance.