Saturday, January 4, 2014

    La conscience de Fiodor


    La conscience de Fiodor
    N. Lygeros

    « …une lutte sans merci, une lutte à mort, se livre en ce moment entre le Gouvernement et les paysans. L’année qui s’écoule (1933) nous a permis de donner la mesure de nos forces. Il a fallu une Famine pour faire comprendre qui commandait dans ce pays. Le système de la culture collective a coûté des millions de vies, mais il est maintenant solidement établi. NOUS AVONS GAGNE LA GUERRE… »
    Discours de KATAIEVITCH, membre du Comité Central du PARTI.

    Fiodor : Vous avez affamé un peuple tout entier.
    Joseph : Nous avons purgé l’histoire d’une infamie.
    Fiodor : Vous avez commis un crime contre l’humanité.
    Joseph : Notre régime n’avait que faire de ces traîtres.
    Fiodor : Des traîtres, les enfants de notre terre ?
    Joseph : Leur existence était une trahison pour notre régime.
    Fiodor : La famine ne conduit jamais au régime, seulement à la mort.
    Joseph : Nous devions éliminer ces enfants.
    Fiodor : Car ils étaient la mémoire de leurs parents ?
    Joseph : Ils mangeaient notre blé.
    Fiodor : Votre blé ? Leur labeur ? Votre blé ? Leur maigreur ?
    Joseph : Leur labeur, c’était notre bonté. Leur maigreur, notre volonté.
    Fiodor : Et leur malheur, votre brutalité.
    Joseph : Aucune pitié pour cette vermine.
    Fiodor : Cette vermine, c’était notre chair.
    Joseph : La pourriture n’est pas humaine.
    Fiodor : C’est votre crime qui est inhumain.
    Joseph : Cette famine, c’est notre fierté, notre ultime vérité.
    Fiodor : Ce sera aussi votre châtiment.
    Joseph : Qui osera nous condamner ?
    Fiodor : La conscience de l’humanité !
    Joseph : Qui croit encore à la dignité humaine ?
    Fiodor : Les combattants de la barbarie.
    Joseph : Une bande d’impuissants.
    Fiodor : Aucun puissant ne sera épargné par la justice de la mémoire.
    Joseph : La mémoire est aussi humaine que l’erreur !
    Fiodor : La conscience ne peut oublier.
    Joseph : Alors nous oublierons la conscience.
    Fiodor : Tant que les bourreaux ne seront pas condamnés…
    Joseph : Vous lutterez contre le néant ?
    Fiodor : Les morts ne cesseront de crier !
    Joseph : Ils crient dans le vide. Nul ne les écoute.
    Fiodor : L’humanité les entend et elle vous condamnera.
    Joseph : Qui peut ramener un passé oublié ?
    Fiodor : La mémoire du futur !