Du Sénat à la loi
N. Lygeros
Ce serait une grave erreur que de considérer le sénat comme une seule et unique entité par rapport à la problématique de la non reconnaissance du génocide des Arméniens. Le sénat n’est qu’un ensemble de sénateurs. Aussi le véritable but de la cause arménienne n’est pas de convaincre l’ensemble mais ses éléments. Et ces éléments sont des hommes qui ne sont pas nécessairement au courant des tenants et surtout des aboutissants du génocide des Arméniens. Il ne faut pas oublier qu’en France, le débat autour de la problématique du génocide des Arméniens est relativement récent. Même les Arméniens n’abordent cette blessure de l’histoire, ce crime contre l’humanité, de manière efficace que depuis peu. Auparavant il s’agissait avant tout d’une culture communautaire qui avait du mal à s’exprimer et encore plus à se faire entendre. Si les choses ont changé parmi les Arméniens, il n’en va pas encore de même avec les Français pour qui, le génocide est avant tout une abstraction des droits de l’homme et pire du droit international. Bien peu de sénateurs connaissent l’évolution juridique de la notion de génocide. Ils l’assimilent à la notion de crime contre l’humanité sans réaliser qu’il ne s’agit pas d’une relation bi-univoque. De plus, ils ont rarement conscience du fait que le génocide de la mémoire suit de près le génocide. Il est donc nécessaire d’expliciter les huit phases du génocide pour le comprendre réellement. La classification, la symbolisation, la déshumanisation, l’organisation, la polarisation, la préparation, l’extermination et la négation sont autant d’outils cognitifs pour comprendre le fonctionnement intrinsèque du génocide. Il nous faudra expliquer à chaque sénateur ces huit phases et leurs caractéristiques, si nous ne voulons pas qu’ils se laissent influencer par des critères qui n’appartiennent pas aux droits de l’Homme. Il ne s’agit pas de monter un dossier historique car les faits sont là et ils se suffisent à eux-mêmes. Il s’agit de démonter les rouages intimes de la notion de génocide afin de faire comprendre la nécessité d’une loi de pénalisation pour lutter contre ce système. Seulement, nous ne devons pas transformer cette mission en une action qui serait dépourvue de sens, à savoir transformer les sénateurs en combattants de la cause arménienne. Nous devons convaincre des français éminents dans un cadre français. Le point de vue est radicalement différent. Les sénateurs doivent comprendre que l’absence de pénalisation remet en cause les fondements de la France en tant que République des citoyens. La pénalisation n’est pas une interdiction mais un droit de protection des citoyens contre les actes de barbarie. Le peuple français doit se défendre contre ces attaques subversives de l’appareil de propagande turc et pour cela il a besoin du vote de ses sénateurs. Ces derniers ne doivent pas voter pour ou contre la cause arménienne mais pour ce que représente la France dans le domaine des droits de l’homme. La pénalisation n’est pas contextuelle ni exclusive. Face à l’horreur du génocide, nous devons opposer la grandeur d’une loi. Tant que le crime ne sera pas condamné, il existera. Ne pas voter pour la loi, c’est donner le droit de tuer toute liberté.