Nullum crimen sine lege, nulla poena sine lege praevia
N. Lygeros
Parfois les principes nous semblent des truismes et nous ne prenons pas conscience qu’ils engendrent via la nomologie un cadre juridique efficace pour les droits de l’homme. L’un d’entre eux s’énonce de cette manière : Nullum crimen sine lege, nulla poena sine lege praevia i.e. pas de crime sans loi, pas de peine sans loi précédente. La conséquence de ce principe ou plutôt l’une d’entre elle dans le domaine du droit international au sujet de la notion de crime contre l’humanité, c’est le caractère imprescriptible. Au premier abord, cela peut paraître quelque peu surprenant car la succession des conventions internationales permet d’effacer certaines pages de l’histoire. Par exemple, les accords de Zurich-Londres de 1960 ont effacé les articles 20 et 21 des accords de Lausanne de 1923 et cela au profit de la Turquie. Cela prouve d’ailleurs qu’il est possible de faire pire que le traité de Lausanne avec l’accord de la victime. Aussi nous devons être vigilants même à ce niveau. Tandis que le caractère imprescriptible permet de mettre un signet dans les pages noires de l’histoire afin que personne ne puisse oublier le crime et afin que tout le monde puisse prononcer le châtiment. Le principe engendre donc un acte de résistance face à l’oubli et en particulier l’oubli juridique puisque ce dernier est tout simplement interdit. Seulement il ne dit pas simplement cela. Et il dépasse la problématique de la reconnaissance du génocide pour atteindre la pénalisation de la non reconnaissance. Sa structure symétrique montre implicitement la recherche d’un équilibre. Sans se contenter du de facto, il attire notre attention sur le de jure. Il génère ainsi le sentiment que la complétude est nécessaire. Sans la seconde partie i.e. la pénalisation, la première i.e. la reconnaissance demeure symbolique. Et le pire qu’il puisse arriver à un symbole, c’est qu’il reste symbolique. Tout l’art de le contourner consiste à rendre le symbole symbolique. Tandis que le principe rend nécessaire la complétion afin d’obtenir la réalisation. Car le but n’est pas seulement de rendre hommage aux victimes du génocide via les minutes de silence. Il s’agit de parler, d’accuser et de condamner le crime contre l’humanité afin de créer, si cette expression a un sens dans ce contexte élargi, un précédent donc une jurisprudence. La reconnaissance concerne le passé, la pénalisation agit sur l’avenir. Et si nous désirons que le passé ait un avenir, il faut nous donner les moyens, en particulier juridiques. Le droit international n’est plus démuni comme dans le passé où il représentait une utopie. Seulement sa nomologie doit se réaliser pour qu’il soit non seulement efficace mais crédible. Car quel serait le sens d’un crime non châtié. Sans le châtiment, le crime n’existe que pour la victime. Il n’acquiert de sens pour le bourreau qu’à travers la pénalisation. Aussi la pénalisation n’est pas une simple interdiction mais une complétion nomologique qui respecte nos principes.