Commémoration du 80e Anniversaire de la Famine Génocide de 1932/33 en Ukraine
Place Antonin Poncet, Mémorial de tous les Génocides
Lyon
24/11/2012
http://www.lygeros.org/Talks/Lyon_Holodomor_20121124.html
Commémoration du 80e Anniversaire de la Famine Génocide de 1932/33 en Ukraine - Lyon - 24/11/2012
Je voudrais aller dans le sens de ce qui a été dit sans répéter, donc
aller un peu plus loin, simplement rappeler même aux Ukrainiens que
quand on mentionne Raphaël Lemkin il serait bon quand même de dire qu’il
est né à Lviv donc finalement qu’il est né en Ukraine. C’est quelqu’un
qui a créé la notion de génocide et ce serait quand même bien de
l’utiliser comme fer de lance puisque sans sa définition de génocide on
serait encore en train de parler d’un massacre. J’ai entendu quelques
expressions sur lesquelles il faudrait peut-être faire attention. Je le
dis toujours avec amitié et Guénia le sait très bien. Il ne faut pas
simplement parler de la faim de façon aussi impersonnelle ; il s’agit en
fait d’une faim artificielle. Le terme Holodomor est bien plus précis
en ukrainien. On a une difficulté en français : la famine génocidaire
pourrait être considérée comme quelque chose d’avoisinant. Le problème
c’est que c’est avant tout un génocide qui peut être utilisé pour mettre
en place la faim mais cette faim n’est qu’un prétexte. Cela a été très
bien dit précédemment par l’analyse qu’on a entendue à savoir qu’en
réalité même s’il n’y avait pas cette richesse le génocide serait
commis. Pourquoi ? Parce qu’il fallait avoir un accès géopolitique à
cet endroit qui se nomme l’Ukraine et on ne pouvait pas se contenter
d’avoir une indépendance locale. Par conséquent, dans un raisonnement
global et géopolitique, le génocide était programmé et c’est pour ça
qu’on rentre dans le cadre d’une destruction systématique qui
correspond à la définition évoquée par Raphaël Lemkin pour définir ce
type de crime contre l’Humanité. Par ailleurs tout au début, Nicolas a
mentionné une différence entre crime contre l’Humanité et génocide.
Effectivement elle est exacte, cette différence existe mais il faut bien
se rendre compte que, comme il l’a aussi très bien dit même Lemkin
utilisait déjà le Holodomor comme un exemple de génocide pour étayer sa
thèse de diversification par rapport au génocide global et au crime
contre l’Humanité afin de définir un noyau dont on soit sûr par rapport
aux critères par rapport à la charte des Nations Unies sur la
définition de ce terme. Il est donc important et je pense qu’il faut
être aussi content et qu’il ne suffit pas de critiquer l’appareil
politique, il faut aller au-delà. Je crois que Guénia montre cela de
façon claire, à savoir que peut-être c’est vrai qu’en France on n’est
encore pas très content parce qu’on n’a pas une reconnaissance
officielle mais je pense qu’il faut suivre aussi l’exemple des
Arméniens et se rendre compte combien il est difficile d’obtenir une
reconnaissance, combien il est encore plus difficile d’obtenir une
pénalisation même si on est dans un cadre disons relativement positif.
Donc il ne faut pas se décourager. On n’a jamais autant parlé du
Holodomor que maintenant, on n’a jamais travaillé autant sur ce sujet.
Il faut regarder aussi que les reconnaissances qui ont été mentionnées
n’ont jamais été aussi nombreuses et que dans des pays par exemple comme
le Canada, la recherche sur le Holodomor avance de façon vraiment très
extensive. Cela nous permet de définir aussi grâce aux 8 phases de
Stanton comment il faudrait établir, si vous voulez, une sorte de «
génocidologie ». L’essentiel c’est de vous dire que malgré les
difficultés, malgré le temps, le génocide est un crime imprescriptible
et par conséquent le temps travaille avec nous et pas contre nous. En
réalité, il travaille toujours contre les bourreaux. Je voudrais
simplement mettre en évidence, peut-être mettre en exergue le problème
des victimes. En réalité quand on dénombre les victimes et vous savez
que ce nombre est important dans le cadre du génocide des Ukrainiens,
c’est plus de 7 millions de personnes, il ne faut pas oublier aussi les
gens qui ne sont pas nés et c’est très important parce qu’ils
représentent en réalité un nombre bien plus important. Je vais donner un
exemple très clair, surtout pour les Ukrainiens : imaginez par exemple
si Shevchenko n’avait pas existé. Donc, ce que je veux dire par là,
c’est qu’il faut bien se rendre compte que parfois ce n’est pas
simplement un problème de masse - parce que on rentre aussi dans cette
problématique : en raison du génocideur on a l’impression que c’est très
important de dire qu’il y avait énormément de victimes - en réalité, il
faut mettre le doigt sur le caractère systématique. Le Holodomor a
cette caractérisation systématique de destruction et c’est cela qu’il
faut mettre en évidence, pas tellement le nombre de victimes puisque il
est attesté. Je pense par ailleurs que la communauté ukrainienne vit
dans quelque chose qui est analogue avec les communautés arménienne,
assyro-chaldéenne ou même grecque et qu’elle est en train de changer peu
à peu. Peu à peu, les Ukrainiens sont en train de devenir fiers d’être
Ukrainiens et cela c’est nouveau mais c’est encore le balbutiement.
Parfois on a une tendance à éviter de mentionner son appartenance. En
réalité, je crois que si on met en évidence encore plus l’apport de
Raphaël Lemkin, pour se rendre compte qu’en fin de compte, l’Ukraine
peut tout à fait revendiquer son appartenance à celle-ci, alors il faut
réaliser que cela donne l’exemple. Cela donne l’exemple aux autres
exactement comme on le fait dans d’autres génocides parce que on est
dans le cadre de génocides qui n’ont pas été reconnus globalement donc
le génocide des Ukrainiens ne ressemble pas au génocide des Juifs, mais
ressemble plus au génocide des Arméniens et donc on travaille dans le
cadre de ces reconnaissances qui petit à petit montent et plus elles
augmentent en nombre, plus on informe les gens, plus les Ukrainiens
eux-mêmes deviennent plus forts et peuvent vraiment parler de ce qui
s’est passé sans avoir honte, sans vouloir le cacher mais en mettant en
avant les atrocités, toujours en insistant sur le fait qu’il s’agissait
bien de génocide et de rien d’autre. Merci.