Sunday, October 14, 2012

    Géostratégie et Droit International : une combinaison conflictuelle de l'État


    Géostratégie et Droit International : une combinaison conflictuelle de l'État

    N. Lygeros



    Dans un précédent article intitulé L´égalité de la différence nous avions mentionné que ce concept était à la base de la démocratie. L'individu est par nature considéré comme différent à tout autre sans pour autant que cela n'affecte sa valeur civile puisque l'acceptation de la différence engendre l'égalité des droits. Dans celui-ci, nous voulons étudier les répercussions créées par la substitution dans ce cadre du mot individu par l'expression entité étatique.
    Par définition, l'État qui représente l'ensemble des services généraux d'une nation, est le garant du droit sans nécessairement revenir à l'esprit des lois. Cependant lorsque l'État représente un groupement humain fixé sur un territoire déterminé soumis à une même autorité, il peut être considéré comme une personne morale. Aussi notre substitution théorique a un sens et celui-ci trouve son cadre dans le droit international. Il est alors intéressant de s'interroger sur sa part de responsabilité sur le plan humain. Il va sans dire que cette question devient essentielle lorsque l'État considéré est une superpuissance. Car comme l'a justement remarqué un commentateur libéral si l'incomparable puissance d'un État s'exerce effectivement pour le plus grand bien de l'humanité, l'humanité doit avoir un droit de regard sur l'usage qui en est fait. Et c'est bien dans ce cadre que le rôle de l'État prend tout son sens. Mais avant même d'étudier les responsabilités qui lui incombent, il faut examiner celles qu'il ne peut s'autoriser à assumer. Ainsi de la même manière qu'un homme ne peut être tenu responsable pour l'ensemble des hommes - fait qu'il ne peut donc revendiquer - un État ne peut être responsable de l'ensemble des autres car les autres ne lui ont pas donné ce droit. Cela ne signifie pas pour autant que cet État doive être immédiatement catalogué dans la catégorie que Chomsky affuble judicieusement - en citant Washington et Londres - du concept d'État voyou. Mais s'il fait un usage illégal de la force alors effectivement les différences disparaissent.

    En réalité, la difficulté du statut judiciaire d'un État, surtout lorsqu'il s'agit d'une superpuissance provient de la dyssynchronie intrinsèque qui existe entre les réalités du droit international et de la géostratégie. Cette dernière bien que propre à tout État est par définition l'interaction principale de ce même État avec les autres. Or le droit international ne peut fonctionner que d'un commun accord. Il est donc nécessairement plus lent que la géostratégie d'un État qui ne dépend que de sa propre initiative. Ceci est bien sûr le cas pour tout pays mais lorsqu'il s'agit d'une superpuissance qui possède un « grand domaine » i.e. un espace mondial stratégiquement indispensable pour s'assurer la maîtrise du monde, selon les termes du Groupe d'étude guerre-paix, alors cette dyssynchronie est flagrante.

    Un État ne peut exister sans géostratégie mais a-t-il le droit d'agir pour autant si cette action va à l'encontre du droit international ? Or pour poser la question dans l'autre sens même si cela la rend quelque peu provocante : un État qui respecte réellement le droit international peut-il exister au sens géostratégique du terme ?

    En réalité, ce type de questions met en évidence non seulement le caractère intrinsèque du problème de la coexistence de ces deux tendances mais aussi sa pré-existence à la combinaison. Car le droit international dans son actuelle extension est une donnée relativement neuve alors que la géostratégie bien que ne possédant pas cette forme codifiée depuis le début, existe pour ainsi dire depuis que la guerre existe. Aussi l'établissement de zones et de sphères d'influences pour les États voire de grand domaine pour les superpuissances est un processus classique qui exclut la possibilité d'une partition claire du globe ainsi que le souhaiterait le droit international. La géostratégie fonctionne à merveille sur des superstructures en réseau, alors que le droit international lutte contre tout processus de ramification qui représente une transgression naturelle. Aussi l'extension de la puissance d'un État dépasse et de loin l'étendue de ses droits. Et l'acceptation globale de la notion d'État va à l'encontre du droit international. Notre substitution montre donc une défaillance du système.



    Geostrategy and International Laws: a conflictual combination.
    N. Lygeros

    In a previous article entitled Equality of difference we mentioned that this concept was at the root of democracy. The individual is naturally considered as different from another one not affecting his civic value, for the acceptance of difference leads to the equality of rights. In this one, we want to study the side-effects created by the replacement of the word individual by the expression state entity within this context.
    In essence, the state representing all the general services of a nation, guarantees the law not necessarily returning to the spirit of laws. However, when the state represents a group of humans settled on a specific territory submitted to the same authority, it can be considered as a legal entity. Thus, our theoretical replacement makes sense and it fits with international law. Then, it is interesting to consider its share of responsibility, humanly speaking. It is obvious that this question becomes essential when the relevant state is a superpower. For, as a liberal analyst correctly noticed, if the incomparable power of a State is really carried out for the good of humanity, humanity must have the right to check its application. And it is really in this context that the role of the State makes all its sense. But just before studying its assigned responsibilities, the ones that it is not empowered to take have to be considered. Thus, as a man is not responsible for all men – so, a fact he can't claim for – a State can't be responsible for all the other ones for the others didn't concede that right. For all that, it doesn't mean that this State has to be classified in the category that Chomsky – quoting Washington and London – wisely attached to the concept of rogue state. But if it illegally uses force, then, differences actually vanish.

    In reality, the difficulty of the judicial status of a State, mainly when it is a superpower, comes from the intrinsic dysynchrony existing between the realities of international law and geostrategy. The latter, though specific to any State, is in essence the main interaction of this very State with the others. Yet, international law can only operate with mutual agreement. It is obviously slower than the geostrategy of a State only depending on its own initiative. That is obviously the case for any country but when it is a superpower owning a “large domain” such as a strategically essential world space ensuring the world control, according to the terms of the war-peace study group, then, this dysynchrony is obvious. A State can't exist without geostrategy but for all that, does it have the right to act if this action runs counter to international law? Yet, to turn round the question even if it seems somewhat provocative: can a state really respecting international law exists in the geostategic sense of the term? In reality, this kind of questions highlights, not only the intrinsic nature of the problem of the coexistence of these two tendencies, but also its pre-existence to combine. For international law in its present extension is a relatively new element, whereas geostrategy, though not having this codified form from the beginning, has almost existed since the existence of war. So, the implementation of zones and spheres of influence for the States or even large domain for the superpowers is a classical process, excluding the possibility of a clear world dividing up as international law wishes. Geostrategy wonderfully operates with network superstructures whereas international law fights against any network process representing natural transgression. Thus, the extension of the power of a State goes beyond and by far, the extent of its rights. And the global acceptance of the notion of State is in opposition to international law. So, our substitution shows a failure of the system.